Architecture en milieu tropical
Construire le paysage, entre pratique et recherche
Publication PDF des actes du colloque du 30/31.10.2019.
http://www.lareunion-archi.fr/upload/files/actes_du_colloque_2019.pdf
Mon intervention présente le projet de recherche Minéral Accretion Factory, en cours de développement à la Réunion.
Le projet est abordé sous l’angle du paysage par son potentiel d’aménagement du littoral et de l’architecture pour sa capacité à produire des éléments constructifs de celle-ci.
ABSTRACT :
Mineral Accretion Factory est un projet de recherche en design qui propose un nouveau mode de production d’objets, de mobilier et d’éléments constructifs à impact positif sur l’environnement. Il s’accorde avec son environnent écologique, social et politique. Il est particulièrement adapté aux milieux tropicaux en zone littorale et encore plus au contexte insulaire.
C’est un système alternatif de production qui utilise le mode de construction des récifs artificiels “Biorock” développé par l’architecte/biologiste Pr. Wolf Hilbertz (Symbiotic Process Laboratory) et le Biologiste Pr. Thomas J. Goreau (Global Coral Reef Alliance). Ce principe de récifs artificiels vise à aider au développement des récifs coralliens et participe de la préservation du littoral.
L’immersion dans la mer d’une structure en acier (squelette d’objet) reliée à une source électrique basse tension (bouée munie de panneaux solaires ou d’éolienne) enclenche une réaction électrochimique : l’objet s’auto-génère dans un matériau issu des minéraux de l’océan. Au bout de deux à trois ans le résultat obtenu est plus résistant que le béton armé.
La typologie des objets qu’il est possible de produire est singulière. Si le potentiel d’utilisation est riche et ses capacités restent circonscrites, elle vaut dans sa participation à la diversification des modes de production des formes de notre environnement et pose singulièrement la question d’une production in situ dont l’intérêt réside dans son impact écologique positif.
C’est un système low-tech et slow tech qui respecte les rythmes biologiques et les capacités de production de la terre. Si l’usine devient la mer, aucune implication locale n’est à déplorer (bâtiment à construire, parking, voie d’accès, poubelles, chauffage, climatisation…). L’emprise au sol est ici vertueuse puisqu’elle participe de la reconstruction du récif corallien, accompagne le développement de la faune et de la flore marine et protège le littoral. La majeure partie de la production se faisant pendant la sieste, sans exploitation de personnel.
Ce mode de production in situ est adapté aux zones tropicales littorales et tout particulièrement en territoire insulaire. Effectivement, la quantité et la diversité de matériaux localement disponible est restreinte et lorsque qu’ils sont importés, la trace carbone peut être considérée comme catastrophique.
La production par accrétion minérale s’inscrit clairement, dans toutes ses dimensions, dans une problématique de développement durable, de protection des ressources locale, de préservation de l’environnement et de développement de l’économie locale.
Elle s’adapte à des échelles variées. Elle peut permettre de produire des éléments de mobilier urbain de « bord de mer » ou des éléments plus conséquents tel que des digues ou des lagons artificiels. A plus petite échelle, alors qu’il est formellement interdit de ramasser du corail, elle peut aussi participer au développement d’un artisanat contemporain tourné vers le futur par la production d’objet par accrétion (en corail) plutôt que vers une folklorisation maladroite et de traditions éculées qui malheureusement trop souvent s’incarne dans l’importation de produit « made in china ».
Les hypothèses du projet ont été posée pour l’exposition Analog, à l’ESAD Talm en 2010. Le projet à démarré concrètement en novembre 2012 lors du 8thBiorock International Workshop à Gili Trawangan (Indonésie) grâce à une allocation de recherche du CNAP. Cette première expérience a permis d’appréhender le principe d’accrétion minérale, d’aborder les enjeux biologiques et écologiques majeurs, de concevoir, fabriquer et immerger les premiers prototypes d’objets. Le projet a pris un nouveau tournant sur l’île de La Réunion avec L’École Supérieure d’Art en 2016. Deux sessions de workshops avec des étudiants de l’ESAR ont eu lieu et ont permis la mise en place d’un partenariat avec Kélonia, aquarium, musée, et centre de recherche, d’intervention et de soins consacré aux tortues marines. Deux architectures pour tortues conçues et réalisées avec les étudiants de l’ESAR ont été immergées dans ses bassins ainsi qu’une première série d’objets tests. Le premier objet crée in-situ a été sorti de l’eau en mars 2019 et est actuellement mis en place dans les espaces extérieurs de Kélonia. Ces expériences ont permis de valider une première étape d’opérationnalité du projet en attendant la mise en place prochaine de la première unité de production en milieu marin sur l’île de La Réunion.
L’objet de cette communication est de retracer l’histoire du projet, des hypothèses initiales aux résultats concrets obtenus, de mettre à jours les enjeux soulevés par un mode de production contextuel alternatif qui participe de l’émergence des « wild tech » telles que définies par les anthropologues Français Emmanuel Grimaud, Yann-Philippe Tastevin et Denis Vidal[1]afin d’envisager et d’en partager les perspectives.
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Pour plus d’information :
www.davidenon.net/MAFactory2019.pdf> dossier de présentation Mineral Accretion Factory
http://david.enon.free.fr/vrac/Mineral%20Accretion%20Furniture/> lien vers la page internet de présentation du projet
[1]E. Grimaud, Y-P. Tastevin & D.Vidal, 2017 « Low tech, high tech, wild tech. Réinventer la technologie ? », Techniques&Culture n°67 « Wild Tech », p. 12-29.
